Attendre d’une banque coopérative qui se présente comme éthique et durable qu’elle fasse appel à des fournisseurs qui partagent ses valeurs semble logique. Et pourtant, ce n’est pas toujours si évident : dans certains cas, le compromis apparaît comme la seule voie possible. Mais comment éviter que celui-ci ne devienne la règle ?
Dans une série de vidéos publiées en 2019, Koen De Vidts (actuellement administrateur de NewB), expliquait l’importance de créer une véritable alternative aux acteurs bancaires traditionnels. Une des capsules vidéo insistait notamment sur le fait que NewB s'affirme comme une banque éthique et durable. D’après Koen De Vidts, en affichant clairement ses valeurs, notre coopérative prend un risque : celui d’être critiquée en cas de faux pas. Et c’est une bonne chose. En effet, cette prise de position sans équivoque constitue également l’assurance que le projet restera fidèle à ses valeurs, sous peine de perdre sa crédibilité en même temps que sa raison d’être.
Et on peut dire que les observateur·rice·s sont nombreux·ses : avec plus de 116 000 citoyen·ne·s, 340 organisations membres, 11 investisseurs institutionnels et un comité social, la vigilance est de mise ! Ces personnes et ces entités (dont vous faites peut-être partie) ont investi dans NewB car elles aspirent à changer la banque pour de bon, à orienter le monde financier vers des enjeux sociétaux et environnementaux qui comptent aujourd’hui plus que jamais.
Mais, contrairement à d’autres secteurs comme l’agriculture ou l’alimentation qui ont vu fleurir de nombreuses initiatives de transition ces dernières années, le système financier actuel est solidement enraciné dans le système capitaliste classique et certains des rouages qui assurent son fonctionnement restent incontournables pour une banque qui se lance, comme la nôtre. Dès lors, comment éviter de collaborer avec des entreprises qui ne partagent pas nos valeurs ? Cela est-il même possible ? Où tracer la limite entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas? Ces questions se sont déjà présentées à de multiples reprises depuis les débuts de NewB et le dernier exemple en date remonte à peine à quelques semaines.
Big Four, big system
Au cours du mois qui a précédé l'assemblée générale, nous avons reçu plus de 200 e-mails de questions et de réaction à propos des différents points mis à l'ordre du jour. En plus de répondre personnellement à chaque personne, nous avons également rassemblé les réponses aux questions les plus posées dans un un article de blog. Parmi celles-ci, une interrogation revenait plus fréquemment que les autres : « Pourquoi NewB a-t-elle décidé de faire appel à l'un des "Big Four" (les quatre plus grands cabinets d'audit et de comptabilité du monde) pour s’occuper de l’audit de ses comptes ? » En effet, ces entreprises sont régulièrement pointées du doigt pour le rôle qu’elles ont joué lors de la crise financière de 2008 et la position dominante qu’elles occupent sur le marché. Il faut savoir que, en Belgique, toutes les banques ont recours à l’un des Big Four (ou à Mazars, une entreprise de consultance d’origine française du même tonneau) pour exercer la fonction de commissaire aux comptes. Et c'est précisément pour cette raison que NewB doit faire appel à un de ces acteurs : parmi la (courte) liste des auditeurs agréés, ils sont actuellement les seuls à disposer de l’expérience nécessaire pour assurer de manière fiable et sûre l’audit des comptes d’un établissement de crédits en Belgique. En tant que toute nouvelle banque, NewB ne peut tout simplement pas faire de compromis en matière de sécurité, qui est aussi une de ses 13 valeurs.
En d'autres termes : même si nous voulons constituer une force positive de changement du système, nous sommes tout de même contraints de nous plier aux règles de ce dernier. L'exemple du choix de KPMG en dit long sur le chemin à parcourir. Entretemps, NewB est et sera encore confrontée plus d’une fois à ce genre de « non-choix » sans recours possible.
Une charte pour éviter les dérives
Mais comment s’assurer que ce genre de compromis est effectivement réalisé pour de bonnes raisons ? Tout d’abord, les décisions sensibles sont régulièrement questionnées au sein de l’équipe NewB qui engage des discussions au moindre doute. Mais nous ne sommes pas seul·e·s à assurer cette tâche : notre comité sociétal veille également à ce que le compromis ne devienne pas la règle. Ce comité est constitué de 16 coopératrices et coopérateurs bénévoles chargé·e·s d’observer les choix de l’équipe et d’évaluer leur conformité aux valeurs de NewB. Très bientôt, il pourra s’appuyer sur une charte sociale et environnementale complète pour accomplir sa tâche. Basée sur les 13 valeurs de NewB, la charte fait l’inventaire des engagements de notre coopérative dans des domaines qui vont de la politique d’investissement à la communication en passant par les ressources humaines. Le projet de texte compte actuellement plus de 100 pages et est en train d’être traduit. Cette première version est le fruit d’un travail de longue haleine mené par le comité sociétal en collaboration avec l’équipe.
Lors de notre prochaine assemblée générale, que nous espérons pouvoir tenir de manière physique, une première mouture du texte sera soumise au vote. À cette fin, nous organiserons d’ici l’AG des ateliers d’information sur la charte avec les coopératrices et coopérateurs pour pouvoir discuter du texte et recueillir les questions. Cette charte ne sera certainement pas directement parfaite : il s’agit avant tout d’un document vivant qui sera amené à évoluer au gré de nos discussions.
Concernant le choix des fournisseurs avec lesquels NewB travaille, la charte est claire : ceux-ci doivent être évalués avant qu’une collaboration ne puisse être établie. La procédure de sélection des fournisseurs prend en compte des critères à la fois économiques, sociaux, environnementaux et de gouvernance.
Mais la charte ne se borne pas à encadrer le choix des fournisseurs puis à se satisfaire d’un statu quo : l’évaluation d’un fournisseur ne reste valable que deux ans avant de devoir être révisée. S’il s’avère qu'un fournisseur n'agit pas ou plus conformément aux valeurs de NewB, un dialogue est ouvert afin de tenter de remédier à la situation. De cette manière, NewB souhaite faire le meilleur choix possible tout en encourageant ses partenaires à plus d’éthique et de durabilité.
Dans un monde de la finance bien établi, nous serons très certainement encore confronté·e·s à des choix difficiles aux réponses imparfaites. Chacun de ceux-ci sera à marquer d’une pierre blanche pour espérer pouvoir un jour faire mieux pour notre coopérative. Entretemps, nous nous efforcerons de communiquer sur ces choix de manière ouverte et constructive. Et, si vous faites partie des personnes à nous avoir interpellé lors de l’AG, merci à vous de veiller à ce que notre coopérative reste fidèle à ce que nous avons souhaité construire. Votre vigilance constitue la meilleure assurance de la primauté de nos valeurs.